Bataille de la Marne

La bataille de la Marne
 

LA BRIGADE MAROCAINE
DANS LA BATAILLE DE LA MARNE

septembre 1914

D’après le livre du Maréchal Juin.« La brigade Marocaine à la Bataille de la Marne »

Edition Librairie Polytechnique Béranger 1964

Cette présentation a pu être faite grâce à la documentation fournie par Mr Raymond Pezant (Meaux), spécialiste de la 1ère bataille de la Marne dont il a écrit une chronologie  très complète

LES TIRAILLEURS MAROCAINS

C’est à partir des troupes auxiliaires marocaines, organisées en juin 1912 par le général Moinier alors commandant des troupes françaises, que les régiments de tirailleurs sont formés et prioritairement employés à la pacification du Maroc.
Mais en raison des besoins en effectifs, 5 bataillons sont envoyés en France  à la mi-août 1914 et constituent 2 régiments au sein de la 3ème Brigade marocaine. Chaque compagnie compte en moyenne trois officiers français, un officier indigène, quatre à cinq sous-officiers français, deux à quatre sous officiers marocains pour cent quatre vingt dix hommes de troupes, caporaux inclus.
De Châlons en Champagne, la brigade marocaine est envoyée vers Amiens. Après la retraite vers le sud-ouest, elle prend part à la bataille de la Marne (septembre 1914). Elle s’illustre lors de la bataille dite de l’Ourcq, premier théâtre d’opérations sur lequel  interviennent massivement les Marocains. Réduite à 700 hommes, la brigade est dissoute le 22  septembre  1914. Ses éléments  sont versés dans le régiment de marche de chasseurs indigènes officiellement désigné, le  25 décembre 1914, comme le 1er régiment de marche des tirailleurs marocains (RMTM), sous les ordres du colonel POEYMIRAU. Le 1er RMTM est engagé dans la bataille de Soissons en janvier 1915. Il perd 1200 hommes à l’attaque de la butte  du Mesnil (mars 1915), continue de se battre en Argonne, puis en Artois (avril-mai1915). Près de 33 officiers et 1400 hommes sont tués à l’attaque de la Somme-Py, le 6 octobre. Réorganisé , le régiment est ensuite envoyé à Verdun (fin avril 1916). Un des bataillons participe à la première prise de Douaumont (22-24 mai 1916). Intégré ensuite à la 153ème division en 1917, le 1er RMTM participe à l’attaque de nuit du 15au 16 avril au chemin des Dames.
Il garde sa position pendant vingt-cinq jours avant d’être relevé. Au cours du 2ème semestre 1918, le 1er RMTM participe à de nombreuses  actions de reconquête, de Soissons à Chauny, perdant plus des 2/3 des effectifs, sans cesse renouvelés depuis le Maroc.

Le magnifique effort de la brigade marocaine au cours des opérations de l’Ourcq et de l’Aisne avait forcé l’admiration de tout le monde. Le 10 décembre 1914, Mr. MILLERAND, ministre de la guerre, en transmettant au général LYAUTEY un rapport spécial du général MAUNOURY faisant l’éloge des tirailleurs marocains, joignait ses félicitations à celles du commandant de la 6ème Armée et s’exprimait ainsi :
« Disciplinés au feu comme à la manœuvre, ardents dans l’attaque, tenaces dans la défense de leurs positions jusqu’au sacrifice, supportant au-delà de toutes prévisions les rigueurs du climat du Nord, ils donnent la preuve indiscutable  de leur valeur guerrière.
De telles qualités les placent définitivement sur le même rang que nos meilleures troupes d’Afrique et les rendent digne de combattre aux côtés des troupes françaises. »
Historique des évènements

 28 Juin 1914 – Sarajevo

Attentat contre l’archiduc d’Autriche François-Ferdinand, neveu de l’Empereur François- Joseph

 

3 Août 1914

L’Allemagne déclare la Guerre à la France.
 5 Août 1914

l’Angleterre déclare la guerre à l’Allemagne

16 Août 1914 – Bordeaux

Une partie de la Brigade marocaine débarque en provenance du Maroc, via ORAN, rejoignant le 1er régiment et son commandant le général DITTE en permission en France

 

21 Août 1914 – Châlons en Champagne

Elle est cantonnée dans cette ville où elle touche quatre sections de mitrailleuses

25 Août 1914 – France

Sur tout le front nord, retraite générale des Armées Françaises et du Corps Expéditionnaire Anglais.

 26 Août 1914 – Amiens Longeau

La Brigade marocaine rejoint en train Amiens

 

 

 1er Septembre 1914 – Trilbardou

Les alliés repassent la Marne, les allemands sur leurs talons

 

Senlis

La Brigade Marocaineest transportée en camion  de Clermont vers SENLIS, après avoir combattu sur la SOMME

Multien et Petite France

 

2 Septembre 1914 – Etrépilly

4H
Les moutons quittent le village9H
Les habitants évacuent en passant par CHARNY

3 Septembre 1914 – Charny 

Une grande partie des habitants  évacuent également le village avec les animaux, après avoir lâchés poules, pigeons et lapins, et se dirigent vers LAGNY pour passer la Marne (la Grand-mère de Nicol CHARTIER emmène la chèvre pour nourrir son bébé de 9 mois : Gabriel ( Regards sur CHARNY)

Claye-Souilly – Dans la matinée
L’armée de Von KLÜCK est « aux portes de PARIS » :
Des patrouilles de uhlans à bicyclette  sont vues à CLAYE-SOUILLY, au pont de la Poterie ….

 

Charny

…et à cheval vers CHOISY LE TEMPLE

Annet, Trilbardou, Lagny, Chaliefert, Esbly – 15H

…Le génie français fait sauter les ponts
Les moutons d’ETREPILLY ne passeront pas la Marne

 

4 Septembre 1914 – Varreddes, Barcy, Etrépilly, Chambry

9H
Les allemands envahissent les villages et se renforcent tout au long de la journée

22H
Décision n° 6 du Grand Quartier Général prescrivant à la 6ème Armée de prendre les dispositions nécessaires afin d’attaquer le lendemain  en direction de CHATEAU-THIERRY

Le Raincy – Vers Minuit
Réception de l’ordre à l’Etat-Major du général MAUNOURY qui ordonne le déploiement  de l’armée sur une ligne SAINT-MESMES / ERMENONVILLE

5 Septembre 1914 – Le Mesnil Amelot – 1H30 du matin

…Réception des ordres à l’Etat-Major du 5ème Groupe de Division de Réserve, ils sont répercutés aux éléments subordonnés :

 

Mitry-Mory – 4h du matin

…Venue de la région de SENLIS où elle a combattue, la Brigade marocaine se met en route….

Charny – 7h

…et traverse Charny

7h30

 

Sur la route de CHARNY à VILLEROY, le bataillon  POEYMIRAU de la Brigade marocaine (dont fait partie le Lt JUIN) fait une longue pause

11H

…Ils se mettent en route vers PENCHARD

Région de Villeroy-Neufmontiers

…Il fait beau et chaud et les tirailleurs marocains sont heureusement en tenue kaki d’été.
Les champs sont couverts de grosses meules de blé rondes, de bottes d’avoine et de plants de betteraves.
La contrée, aux courbes molles, offre des champs de tirs étendus, des cheminements faciles dans les vallons sillonnés de nombreux rus :  elle est donc éminemment favorable à la défense, meurtrière à l’attaque,

5 Septembre 1914 – Penchard – 12H10

…Une patrouille de cavaliers français localise les allemands à l’ouest de  PENCHARD

L’après-midi à Monthyon 12 H 30

…C’est le début de la bataille, les premiers coups de canons de 77 sont tirés par les allemands

Villeroy – Chauconin

…Le 1er bataillon du régiment de la Brigade Marocaine se présentant à hauteur de la transversale de CHAUCONIN, se trouva en butte au feu de l’ennemi. Par les rus de Rutel et de Viry, les tirailleurs avancent  vers le bois de PENCHARD d’où viennent les tirs ennemis et s’engagent dans un mouvement débordant

Neufmontiers – 15H

…Les tirailleurs marocains attaquent, près de PENCHARD, la colline du bois du Télégraphe ; …..

 

Penchard

……. certains, ayant atteint le village, s’engagent dans un corps à corps terrible  et font reculer  allemands….

 

16H

…. Mais hélas l’avance sera de courte durée, car des renforts ennemis, venant de Chambry, arrivent et font reculer les marocains.  De nombreux officiers et tirailleurs sont tués

16H30-17H30

 

……. Pour permettre le repli de la Brigade Marocaine, le 276ème   R.I.  de Coulommiers se sacrifie, le lieutenant Charles PEGUY est tué

 

 

17H

La Brigade Marocainese replie sur VILLEROY et CHARNY

Chauconin – 17H

350 à 400 allemands envahissent CHAUCONIN et brûlent quelques maisons et hangars

Neufmontiers – 18H

En remontant vers NEUFMONTIERS, les allemands brûlent la ferme PROFFIT

 

Trocy, Etrépilly, Varreddes – 18H

Malgré leur succès, le général allemand Von Gronau ordonne à ses troupes de se replier sur TROCY, ETREPILLY, VARREDDES, car il constate que les troupes françaises sont supérieures en nombre

Villeroy, Charny – Dans la nuit

Les troupes marocaines se reposent dans les champs : la nuit est fort belle.
Ce fut une erreur d’engager les marocains sans le secours de l’artillerie ;
19 officiers et 1 150 hommes de troupe ont péri pour cette seule journée

Plus tard, le rôle glorieux joué ce jour là fût souligné et hommage leur fût rendu pour leur qualité d’endurance et de manœuvre

Charny, ferme de Mauperthuis

Elle est transformée en ambulance et reçoit de nombreux blessés dont des marocains

 

 

6 septembre 1914

 Villeroy, Charny – 5H

Les marocains quittent leur lieu de repos….
La Brigade, remise en ordre dans la nuit, reprend l’attaque  au premier rang

 

 

 

 

Neufmontiers entre 6 et 7H

Ils occupent le village, puis prennent la directions de CHAMBRY

 

 

Chambry – 10H

Le 1er régiment de tirailleurs marocains tente d’enlever le cimetière, mais l’artillerie allemande répond avec vigueur, l’attaque échoue, les pertes sont importantes

6 Septembre 1914 – De Barcy à Chambry – 14H

Affrontement général sur les plateaux découverts de BARCY et CHAMBRY

Chambry l’après-midi

Les tirailleurs marocains, rattachés  à présent à la 45° Division d’Afrique, investissent le cimetière et l’utilise comme fortin

En soirée

Ils se replient sur Penchard, menacés d’être encerclés par les allemands qui occupent les hauteurs de VARREDDES

7 Septembre 1914 – Varreddes – 20H

Le bataillon POEYMIRAU atteint la cote 107 (sommet boisé sur la route de Meaux à Soissons) en direction de VARREDDES.
Après un combat acharné, il enlève la position, puis atteint le pont de l’Ourcq à l’entrée de VARREDDES, mais ni soutenu, ni ravitaillé depuis 3 jours, ils se replie   …..

7 Septembre 1914 – Penchard, Chambry

…. sur PENCHARD et CHAMBRY où  ils percent les murs du cimetière, pour se prémunir du retour des allemands :
les ouvertures dans le mur sont toujours visibles
Dans la nuit,
les taxis parisiens transportent 2 régiments français sur NANTEUIL le HAUDOUIN par DAMMARTIN  et le PLESSIS-BELLEVILLE afin de renforcer les troupes

 

8 Septembre 1914

Comme le 7, la bataille fut aussi rude et meurtrière, mettant en présence 3 corps d’armée allemands en face de la 6ème Armée française; le front se fige.

8 Septembre 1914 – Barcy, Etrépilly – 19H30

…. Les allemands se retirent  de la ligne BARCY, ETREPILLY

 

 

10 Septembre 1914

à l’aube , miracle : sur tout le front de l’Ourcq les Allemands se sont repliés… La Brigade Marocaine marche sur la FERTE-MILON à la poursuite de Von KLÜCK

Des 4000 combat-tants débarqués en France  un mois auparavant, ils ne restent plus que 700 hommes vali-des

 

Au soir des combats, le Haut Commandement Français cherche à donner un nom à cette victoire; après plusieurs sugggestions, le commandant Gamelin de l’Etat-Major,  propose « LA BATAILLE DE LA MARNE » proposition acceptée par JOFFRE 

QUE DES HOMMES COUCHÉS PAR TERRE ET A DEMI MORTS DE FATIGUE PUISSENT REPRENDRE LE FUSIL ET ATTAQUER AU SON DU CLAIRON, C’EST LA UNE CHOSE AVEC LAQUELLE NOUS N’AVIONS JAMAIS APPRIS A COMPTER, UNE POSSIBILITÉ DONT IL N’A JAMAIS ÉTÉ QUESTION DANS NOS ÉCOLES DE GUERRE
Général Von Kluck – Au sujet de la brigade marocaine

 LA FERME DEMAUPERTHUIS AMBULANCE A CHARNY AU DEBUT DE LA BATAILLE DE LA MARNE
La ferme de Mauperthuis (propriétaire de Beauffremont ; fermier Proffit) située au nord-ouest de Charny sur la rue actuellement de même nom (à cette époque rue Jacques Javreux) a servi d’ambulance lors des premiers combats les 5, 6 et peut-être 7 septembre 1914.Voilà ce qu’écrit à ce sujet le Commandant DUFESTRE (alias Henry d’Estre) dans son livre « d’Oran à Arras, impression de guerre d’un officier d’Afrique » Librairie Pion 1916.

Dimanche 6 septembre :

Vers 3 heures une auto vient me chercher pour me conduire à Monthyon, au nord-ouest de Meaux, où fonctionne le poste de commandement de la division. L’encombrement causé par les charrois de tous ordres, sections de munitions allant et revenant du ravitaillement, trains de combat et trains régimentaires, convois de l’intendance, fourgons de poste, voitures de blessés, oblige mon chauffeur à une marche lente, favorable aux observationsC’est à Charny, village à peu près désert comme tous ceux que j’ai traversés, que se manifestent les premières traces de la lutte engagée depuis hier. Déjà avant d’atteindre la localité, nous avons rencontré de nombreux cadavres de chevaux, à la langue baveuse et pendante, tous invariablement gonflés comme des baudruches. Çà et là, dans les prés, des charognes boursouflées de ruminants, bœufs et vaches, surpris par la mitraille.
A l’entrée de Charny, sur la première ferme à gauche, est déployé le pavillon de la Croix-Rouge. C’est un dépôt de blessés français, et un infirmier qui nous voit venir nous fait signe de stopper. Je réponds, bien cordialement, à la demande qu’il m’adresse de quelque boisson pour ses blessés, demeurés provisoirement ici et qu’il garde en attendant que des voitures les transportent vers l’arrière. Chauffeur et secrétaires, chargés de bouteilles de vin, dont nous sommes heureusement pourvus, franchissent avec moi le seuil. Dans la cour, sont mélancoliquement accroupis des Marocains plus ou moins touchés, tremblants de fièvre et frileusement enveloppés dans leurs djellabas.
L’infirmier me fait ensuite pénétrer dans  une remise, où je trouve, étendus sur la paille, des blessés français tombés la veille assez grièvement atteints. Je distribue  à ces braves gens quelques paroles de réconfort et remets pour eux à mon guide les bouteilles apportées ; puis, je vais jeter un coup d’œil dans la grande pièce du bâtiment voisin, où gisent d’autres blessés, allemands, ceux-ci. Le corps, auquel ils appartenaient, a marqué hier, près d’ici, un premier mouvement de recul. L’attitude de ces hommes à quelque chose de farouche  et même d’insolent. C’est moins celle de blessés tombés entre nos mains que d’orgueilleux ennemis auxquels  des succès ininterrompus donnent le ferme espoir d’un prompt retour de la fortune et d’une prochaine délivrance. Ils participent tout de même à la distribution.
A boire ! Voilà la plainte des champs de bataille et surtout celle des postes de secours et ambulance. Pour mes débuts, je l’entendrai en trois langues, traduisant avec le même accent plaintif et quémandeur la même demande : l’eau. Et ce mot m’est répété à satiété, en français, en allemand, en arabe. De l’eau, on en a largement distribué à ces malheureux, mais épuisés par la perte de sang et assoiffés par la fièvre, ils en réclament sans cesse et toujours, si bien qu’il faut se faire violence pour ne pas céder à leur demandes immodérées de boisson.
En sortant de là, pour regagner ma voiture, je remarque un hangar dans lequel gisent des cadavres, à demi recouvert de paille. Ils sont six, deux allemands, trois français et entre un  indigène formant séparation. Parmi  eux un lieutenant français des tirailleurs marocains, que l’infirmier me dit avoir succombé dès son arrivée. Sa tête disparaît sous une gerbe de blé qui laisse voir tout le restant de son corps. Sa main se crispe sur son liseur de cartes ouvert, comme s’il cherchait le chemin de Contrées inconnues où son âme doit être maintenant.
Remonté dans l’auto, je gagne, non sans difficulté, Villeroy encombré d’ambulances et de voitures d’artillerie…………
Comme vous le voyez sur le plan ci-dessous des soldats ont été enterrés autour de la ferme : à gauche une tombe avec un soldat et à droite une tombe avec douze soldats.

 

 

 

LA FERME DE MAUPERTHUIS

AMBULANCE A CHARNY

AU DEBUT DE LA BATAILLE DE LA MARNE

 

 

 

 La ferme de Mauperthuis (propriétaire  de Beauffremont ; fermier Proffit) située au nord-ouest de Charny sur la rue actuellement de même nom (à cette époque rue Jacques Javreux) a servi d’ambulance lors des premiers combats les 5, 6 et peut-être 7 septembre 1914.

 

Voilà ce qu’écrit à ce sujet le Commandant DUFESTRE (alias Henry d’Estre) dans son livre  « d’Oran à Arras, impression de guerre d’un officier d’Afrique »  Librairie Plon 1916.

 

………Dimanche 6 septembre :

…….. .Vers 3 heures une auto vient me chercher pour me conduire à Monthyon, au nord-ouest de Meaux, où fonctionne le poste de commandement  de la division. L’encombrement causé par les charrois de tous ordres, sections de munitions allant et revenant du ravitaillement, trains de combat et trains régimentaires, convois de l’intendance, fourgons de poste, voitures de blessés, oblige mon chauffeur à une marche lente, favorable aux observations.

C’est à Charny, village à peu près désert comme tous ceux que j’ai traversés, que se manifestent les premières traces de la lutte engagée depuis hier. Déjà avant d’atteindre la localité, nous avons rencontré de nombreux cadavres de chevaux, à la langue baveuse et pendante, tous invariablement gonflés comme des baudruches. Çà et là, dans les prés, des charognes boursouflées de ruminants, bœufs et vaches, surpris par la mitraille.

A l’entrée de Charny, sur la première ferme à gauche, est déployé le pavillon de la Croix-Rouge. C’est un dépôt de blessés français, et un infirmier qui nous voit venir nous fait signe de stopper. Je réponds, bien cordialement, à la demande qu’il m’adresse de quelque boisson pour ses blessés, demeurés provisoirement ici et qu’il garde en attendant que des voitures les transportent vers l’arrière. Chauffeur et secrétaires, chargés de bouteilles de vin, dont nous sommes heureusement pourvus, franchissent avec moi le seuil. Dans la cour, sont mélancoliquement accroupis des Marocains plus ou moins touchés, tremblants de fièvre et frileusement enveloppés dans leurs djellabas.

 

 

L’infirmier me fait ensuite pénétrer dans  une remise, où je trouve, étendus sur la paille, des blessés français tombés la veille assez grièvement atteints. Je distribue  à ces braves gens quelques paroles de réconfort et remets pour eux à mon guide les bouteilles apportées ; puis, je vais jeter un coup d’œil dans la grande pièce du bâtiment voisin, où gisent d’autres blessés, allemands, ceux-ci. Le corps, auquel ils appartenaient, a marqué hier, près d’ici, un premier mouvement de recul. L’attitude de ces hommes à quelque chose de farouche  et même d’insolent. C’est moins celle de blessés tombés entre nos mains que d’orgueilleux ennemis auxquels  des succès ininterrompus donnent le ferme espoir d’un prompt retour de la fortune et d’une prochaine délivrance. Ils participent tout de même à la distribution.

A boire ! Voilà la plainte des champs de bataille et surtout celle des postes de secours et ambulance. Pour mes débuts, je l’entendrai en trois langues, traduisant avec le même accent plaintif et quémandeur la même demande : l’eau. Et ce mot m’est répété à satiété, en français, en allemand, en arabe. De l’eau, on en a largement distribué à ces malheureux, mais épuisés par la perte de sang et assoiffés par la fièvre, ils en réclament sans cesse et toujours, si bien qu’il faut se faire violence pour ne pas céder à leur demandes immodérées de boisson.

En sortant de là, pour regagner ma voiture, je remarque un hangar dans lequel gisent des cadavres, à demi recouvert de paille. Ils sont six, deux allemands, trois français et entre un  indigène formant séparation. Parmi  eux un lieutenant français des tirailleurs marocains, que l’infirmier me dit avoir succombé dès son arrivée. Sa tête disparaît sous une gerbe de blé qui laisse voir tout le restant de son corps. Sa main se crispe sur son liseur de cartes ouvert, comme s’il cherchait le chemin de Contrées inconnues où son âme doit être maintenant.

Remonté dans l’auto, je gagne, non sans difficulté, Villeroy encombré d’ambulances et de voitures d’artillerie…………

bataille de penchard 5 9 14 maupertuis est marocains tenue été image001 gal ditte charge couleur carte bossuet